Suzanne Treister
2013-17

Bordeaux/Garonne Public Art Project : Les vaisseaux de Bordeaux/The Spaceships of Bordeaux

Les vaisseaux de Bordeaux: L'observatoire/Bibliothèque de science-fiction
The Spaceships of Bordeaux: The Observatory/Science-Fiction Library
(One of three interdependent public sculptures)


LAUNCH EVENT 22/06/17 + COMMENTARY + INSTALLATION PHOTOS

23/06/17 Ugo Bellagamba, Maître de Conférences en Histoire du droit et des idées politiques Université de Nice Sophia Antipolis, France

Il faut quand même que je vous raconte, ce matin, avec le recul, comment j'ai vécu la découverte de l'installation artistique de Suzanne Treister, hier soir, à Floirac. Au premier regard, on pourrait penser que c'est simplement beau et pertinent : une bibliothèque de science-fiction sur le pourtour intérieur de la coupole d'un observatoire astronomique du XIXème siècle, dans son jus, avec son instrument, l'escalier mobile, en bois, qui permet de le régler, la crémaillère d'acier qui fait tourner la coupole, etc. 

La bibliothèque repose sur l’imitation et la réplication d'une bibliothèque suspendue (pour ne pas gêner la rotation de l'instrument sur son axe au sol) en cinq exemplaires, entièrement en bois de couleur fauve, présentant des romans, des nouvelles, des essais qui ponctuent et retracent l'histoire de la science-fiction depuis Verne, Wells, Rosny Aîné et, bien sûr, Bulwer-Lytton, jusqu'aux auteurs les plus récents, en passant par Heinlein, Asimov, Clarke, Van Vogt, Gibson, et, bien sûr, Margaret Atwood, avec une tablette amovible de consultation, située sous les sages étagères, un pan à quarante-cinq degrés, comme l'inclinaison d'un télescope en monture équatoriale sous nos latitudes. On passe, petit à petit, de la pertinence à l'adéquation. On comprend le sens. 

Cette bibliothèque est panoptique, si l’on se place du point de vue de la lunette astronomique, comme si, pointant vers le ciel, chaque livre était un degré de son espace d'observation. Comme si chaque récit constituait un miroir supplémentaire permettant de voir, plutôt que le ciel, la manière dont nous regardons le ciel. Cet observatoire-bibliothèque de Suzanne Treister révèle alors toute sa dimension. Une fois saisie, elle est évidente (en tout cas, à mes yeux) : la bibliothèque de science-fiction est en fait elle-même un observatoire. Il ne catalogue pas les étoiles et les astres, mais nos représentations, nos aspirations et, parfois, nos désastres. Chaque space-opera, chaque planet-opera, chaque dystopie, chaque classique, de 'Chroniques martiennes' à 'Orange mécanique', est un repère dans l'histoire de la science-fiction, mais aussi dans celle de nos sociétés. 

Voilà, à mon humble avis, le sens de ce fascinant travail d'artiste, unique et éclairé. Montrer, sans le dire, sans avoir, comme moi, la faiblesse de l'écrire, la quintessence de la SF en regard de celle de l'astronomie : nommer nos rêves sociétaux, les répertorier, les dater, et l'ayant fait, permettre à chaque lecteur, après avoir convenablement installé sa monture et déterminé la bonne ascension droite et la bonne déclinaison, de retomber dessus. De relire. La lumière des plus lointaines étoiles nous parvient avec retard, nous le savons. Lorsque nous les voyons, parfois, elles sont depuis longtemps éteintes. Il en va de même pour les chef-d'oeuvres de la science-fiction rassemblés par Suzanne Treister sous la coupole de l'observatoire de Floirac : ils nous envoient encore leur lumière des décennies, voire des siècles, après l'avoir émise pour la première fois. Et nous pouvons les retrouver, grâce à deux informations coordonnées : leur date et leur auteur. 

La bibliothèque-observatoire de Suzanne Treister est, je crois, l'un des plus bels hommages qui aient jamais été rendus à la quintessence du genre avec lequel j'ai grandi, racontant non pas les étoiles elles-mêmes mais la façon singulière dont l'humanité les regarde et tente de s'en servir pour étalonner son avenir.

Merci à toutes celles et tous ceux qui à Bordeaux Métropole ont rendu cette installation artistique possible et, par ricochet, ce moment idéal.

https://ugobellagamba.fr

English translation : 23/06/17 Post by Ugo Bellagamba, Maître de Conférences en Histoire du droit et des idées politiques Université de Nice Sophia Antipolis, France

I need to tell you this morning, in hindsight, how I experienced the discovery of Suzanne Treister's artistic installation last night in Floirac. At first glance, one would think that it is simply beautiful and relevant: a science fiction library around the inner edge of the dome of an astronomical observatory of the nineteenth century, in its original condition, with its instrument, and the movable staircase, made of wood, which allows for the turning of the steel rack that rotates the dome.

The library's shelves are based on the imitation and replication of an original wall hung bookcase (so as not to block the rotation of the instrument on its axis) in five copies, constructed entirely in tawny-coloured wood, presenting novels, short stories and essays that punctuate and trace the history of science fiction from Verne, Wells, Rosny Aîné and, of course, Bulwer-Lytton, up to the most recent authors, taking in Heinlein, Asimov, Clarke, Van Vogt, Gibson, and of course Margaret Atwood, with a retractable consultation ledge cleverly located under the shelves, a flap at forty-five degrees, like the inclination of an equatorial mounted telescope under our latitudes. We move, little by little, from relevance to perfect fit. We understand what all this means.

This library is a panopticon. If one positions oneself from the viewpoint of the astronomical telescope, as if, pointing at the sky, each book is a degree in one's space of observation. As if each narrative was an additional mirror allowing us to see, rather than the sky, the manner in which we look at the sky, the future. This Observatory-Library by Suzanne Treister reveals all of its dimensions. Once grasped, it is obvious (in any case, in my eyes): Suzanne's library is actually an observatory itself. It does not catalogue the stars, but our representations, our aspirations and sometimes our disasters. Every space-opera, every planet-opera, every dystopia, every classic, from 'The Martian Chronicles' to 'The Clockwork Orange', is a landmark in the history of science fiction, but also in that of our societies.

This, in my humble opinion, is the unique and enlightened meaning of this fascinating work by the artist. To show, without stating it, without having, like me, the weakness to write it, the quintessential SF in relation to that of astronomy: naming our societal dreams, listing them, dating them, and having done so, allowing each reader, after having suitably determined the right ascension and the appropriate declination as if novels were stars, to return to them. To re-read. As we know, the light of the farthest stars reaches us with a delay. When we see them, sometimes they have been extinct for a long time. The same goes for the masterpieces of science fiction gathered by Suzanne Treister under the dome of the Observatory at Floirac: they continue to send us their light for decades, even centuries, after having emitted it for the first time. And we can find them, thanks to two simple coordinates : Their date and their author.

The Library-Observatory of Suzanne Treister is, I believe, one of the greatest tributes that have ever been made to the quintessence of the science-fiction with which I grew up, talking not of the stars themselves, but of the singular way in which mankind looks at them and attempts to use them to calibrate his future.

Thanks to all those who in Bordeaux Métropole made this artistic installation possible and, in turn, this ideal moment.

https://ugobellagamba.fr

Soirée inaugurale « Les vaisseaux de Bordeaux » de Suzanne Treister
Plateau n°2 Observatoire de Floirac 19h30 22/06/2017


Table-ronde autour de l’œuvre de Suzanne Treister et de l’Observatoire.
Intervenant(e)s :
Eric Troussicot, architecte et co-réalisateur de l’œuvre
Patrick Gyger, commissaire d’expositions et auteur suisse
Ugo Bellagamba, Maître de Conférences en Histoire du droit et des idées politiques Université de Nice Sophia Antipolis, France
Franck Selsis, astrophysicien
Christine Ducourant, astronome

Débat modéré et animé par Natacha Vas-Deyres, spécialiste de l’utopie et de la science-fiction, enseignante et chercheur de l’Université Bordeaux Montaigne, lauréate du Grand de l’imaginaire en 2013 et 2016 et du Jamie Bishop Memorial Award 2016 aux Etats-Unis, récompensant le meilleur article non anglophone consacré aux domaines de l’imaginaire.







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